Claude Lévi-Strauss, illustre anthropologue et ethnologue
français, écrivait : « Tout progrès culturel est fonction d’une
coalition entre les cultures. Cette coalition consiste dans la mise en commun […]
des chances que chaque culture rencontre dans son développement historique. […]
Cette coalition est d’autant plus féconde qu’elle s’établit entre des cultures
plus diversifiées. […] Ce jeu en commun, dont résulte tout progrès, doit
entraîner comme conséquence […] une homogénéisation des ressources de chaque
joueur. […] L’humanité est constamment aux prises avec deux processus
contradictoires dont l’un tend à instaurer l’unification, tandis que l’autre
vise à maintenir ou à rétablir la diversification. »[1]
Cette contradiction évoquée par
Claude Lévi-Strauss est le point de départ de toute tentative de compréhension
du phénomène sectaire. À la fois dépendante de l’apport des cultures étrangères
et menacées par elles, l’évolution sociétale est tiraillée par ce paradoxe.
Un point d’équilibre se dégage
cependant de cette dissonance : le respect (ou le non-respect) de l’ordre
social établi. Comme le souligne Nathalie Luca, directrice de recherche au CNRS[2]
et au Centre d’étude interdisciplinaire des faits religieux à l’EHESS[3],
et ancien membre de la Miviludes, toucher à ce dernier provoque une réaction
tant de la société que des gouvernements, et ce, dans toutes les civilisations
et depuis toujours[4].
L’objectif de notre présent propos n’est
pas d’analyser le phénomène sectaire, mais d’en dresser un état des lieux, de
lister ses techniques de recrutement et ses multiples dangers, d’observer l’attitude
de nos pouvoirs publics à son égard et d’apprécier le rôle que pourrait jouer l’enquêteur de droit
privé en la matière.
L’usage du conditionnel n’est pas anodin. Intervenant dans
de nombreux domaines, le détective privé ne touche aux dérives thérapeutiques et
sectaires que d’un simple doigt. Alors que nos recherches nous ont poussés à
explorer les sites Internet d’un grand nombre de professionnels de l’enquête
privée, et quand bien même certains proposent leur service dans ce domaine
spécifique, un constat s’impose : nos confrères ne connaissent pas — ou
très peu — le monde des dérives thérapeutiques, et encore moins celui des
dérives sectaires.
Nous verrons dans une première partie ce qu’elles
représentent respectivement, et ce qui les différencient, tant au niveau de
leur typologie (A) que de leur organisation, de leurs techniques de recrutement
et des dangers qu’elles représentent pour l’individu et la société dans son
ensemble (B).
Dans une seconde partie, notre présente étude consistera à
rapprocher le monde des dérives thérapeutiques et sectaires de celui des détectives privés. Nous observerons que face à un phénomène croissant — tant
dans ses dimensions que dans ses dangers —, la réponse des pouvoirs publics est
souvent loin d’être efficace (A), et que notre rôle en tant qu’enquêteur privé pourrait
à terme s’avérer indispensable (B).